ENTRETIEN – « La doctrine chrétienne ne peut survivre que si elle évolue », avec Vito Mancuso [Link]
(Traduzione in fondo alla pagina a cura di Francesca Panebianco)
Nonfiction : Dans "Le courage d'être libre" vous parcourez une question centrale pour l'Occident aujourd'hui : le rapport entre liberté et volonté. Dans un cadre où toute décision économique, politique ou sociale prend forme loin des hommes communs, la participation peut être une illusion que l'homme s'offre pour se résoudre à sa mise à l'écart de la décision publique. Vous faites donc appel à Hegel et à Florenskji, mais aussi au juge Paolo Borsellino assassiné par la Mafia en 1992 : comment passe-t-on de la volonté d'être libres à la liberté réelle, pratique, ce que vous appelez la « liberté pour ».
Vito Mancuso : Sans sous-estimer les conditionnements dont nous sommes l'objet, je pense que jamais l'homme n'a pu expérimenter mieux que dans notre époque ce qu'on appelle liberté. Pour être clair, par ce terme je veux renvoyer à deux expériences concrètes: la conscience et la créativité, soit la possibilité de nouvelles initiatives. Je suis loin d'admettre que nous jouissons d'une liberté absolue: personne n'en jouit, pas même Dieu, si on entend la liberté en son sens étymologique "délaissée de liens", puisque l'être ne peut se poser qu'en relation et que tout lien est, en effet, dépendance. Je pose plutôt qu'aujourd'hui, nous pouvons parvenir à un degré de conscience de notre condition que l'humanité n'avait jamais atteint auparavant. Et je pose également que, devant nous, nous avons des possibilités concrètes de libération: livres, enseignements, expériences, informations, possibilités de contact et de voyage… Je le répète, je ne peins pas ici le meilleur des mondes possibles, je suis conscient de la crise, de la méfiance qui traversent notre époque. Toutefois, pour le dire avec Kant: “Sapere aude”, “aie le courage de savoir”. Et il faut souligner aussi la deuxième signification latine de ce verbe, sapio (savoir) : "avoir le courage de savoir", c'est aussi "avoir le courage d'avoir une saveur". C'est dans ce sens, je pense, que l'on parvient à la "liberté-pour", c'est-à-dire à la soumission à un idéal plus grand que nous vers lequel marcher, et à la lumière duquel travailler. Cet idéal, c'était pour le juge Paolo Borsellino et ses collègues l'idéal de la Justice. Il y a des forces immenses, aujourd'hui comme à l'époque impériale, qui pèsent sur nous et qui nous conditionnent ; mais de nos jours, nous en sommes plus conscients, nous sommes donc plus libres …